Tes métiers
En quoi ton travail s’inscrit-il dans les luttes écologiques et sociales ? A quels enjeux et de quelle manière te permet-il de contribuer ?
Le financement participatif permet aux citoyens de se réapproprier le rôle de leur épargne dans la société. Il désintermédie l’épargne et permet de flécher celle-ci vers des projets choisis par les épargnants en toute transparence, sans passer par un intermédiaire bancaire ou une société de gestion.
L’entreprise dans laquelle je travaille a choisi de flécher ce type de financement exclusivement vers des projets à impact environnemental et/ou social positif.
Les enjeux considérés incluent : la transition écologique, l’accès au logement, la santé, l’insertion professionnelle, la lutte contre les discriminations, la lutte contre les inégalités…
Quelles qualités et compétences sont indispensables dans ton travail au quotidien, tant techniques qu’humaines (relationnel, créativité, pédagogie…) ?
Compétences et qualités techniques :
- compétences analytiques, financières et comptables
- capacités rédactionnelles, de synthèse et de priorisation
- maîtrise de l’anglais
- profondeur de compréhension sur les sujets sociétaux considérés
Compétences humaines :
- honnêteté intellectuelle et rigueur
- intégrité et engagement pour les causes sociétales
- aisance relationnelle avec les entrepreneurs et professionnels de la finance
- capacité à gérer de nombreuses informations
- compétences commerciales
- travail en équipe.
Aujourd’hui, qu’est ce qui te plait le plus dans ton travail et ces différentes activités ?
L’impact (aujourd’hui mais surtout la vision à moyen-long terme) ; la stimulation intellectuelle (analyses et interactions avec les entrepreneurs) ; l’ambiance de travail (personnes engagées) ; l’autonomie ; l’apprentissage permanent.
A contrario, quels aspects apprécies-tu moins ou sont plus difficiles ?
Parfois certains aspects liés à la dynamique de travail et aux personnes (manque de clarté, process peu clairs), mais ce sont des éléments qui sont prix en compte et s’améliorent déjà.
Quelles sont les idées reçues sur ce métier ?
Qu’il est mal payé par rapport aux alternatives (cf recrutements).
Que ce n’est pas très sérieux (cf fonds d’investissement plus classiques).
Que ça ne change pas le fond du problème (cf militants qui voudraient renverser le capitalisme et l’économie de marché).
Que c’est trop marginal pour changer le système.
Je ne partage pas ces préjugés
A ton avis, comment va évoluer ce métier dans les années qui viennent ?
Il va s’imposer comme une réelle alternative à la finance classique pour des projets risqués mais porteurs de sens.
Le nombre de projets « à impact » va grandir (encore plus si la réglementation et la fiscalité y contribuent). Les horizons de temps devront s’adapter (aujourd’hui classiquement 5 à 7 ans de période d’investissement) pour permettre aux projets de long terme d’être financés de cette manière.
Les méthodologies de mesure d’impact s’amélioreront et permettront de mieux rendre encore mieux compte de l’impact des investissements faits.
Ton engagement bénévole
En quoi consiste ton engagement associatif/bénévole ?
Membre du groupe de travail du Shift Project sur le système alimentaire, dans le cadre du PTEF (Plan de Transformation de l’Economie Française) : il s’agit d’un projet dont l’objectif est de proposer un diagnostic (physique, économique, empreinte carbone et énergétique) du système économique français actuel (alimentaire en l’occurrence) et de formuler des propositions concrètes (réglementaires, fiscales, normatives…) pour permettre sa décarbonation et sa plus grande résilience aux chocs futurs (en particulier énergétiques et liés au dérèglement climatique) à horizon 2050.
Ma contribution a surtout eu lieu entre mai 2020 et septembre 2020 pour l’instant, et devrait reprendre au T2 2021.
J’y ai contribué du point de vue des recherches (lectures de travaux scientifiques, recoupage de données), de l’analyse et de la rédaction du rapport, en particulier avec des apports du point de vue des logiques marchandes, économiques et financières.
Membre de l’Institut Rousseau : j’y ai co-écrit une note à propos des innovations en comptabilité (nationale et d’entreprise) qui ouvrent des pistes intéressantes pour prendre en compte le capital naturel et notamment la biodiversité dans les prises de décision (micro et macro).
J’y fais également partie de groupes de travail mais qui n’ont pour l’instant pas abouti à des publications.
Je relie les notes et donne mon avis sur les sujets sur lesquels je me sens légitime.
Animateur du groupe de travail sur la démarche RSE du du Paris Université Club (association sportive) : j’y anime depuis janvier 2021 un groupe de travail (formé de bénévoles du club) qui a deux objectifs : i) mener à bien des actions pertinentes dans le cadre de la démarche RSE de l’association nouvellement impulsée (e.g. Défi Zéro Plastique, compétition Ma Petite Planète, Fresque des déchets et du climat…) et ii) approfondir le diagnostic RSE de l’organisation et déterminer les priorités d’action à court et long terme pour faire du PUC une organisation exemplaire.
Animateur Fresque du Climat : j’ai animé 6 fresques (2 amis, 2 Institut Rousseau, 2 EDHEC rentrée climat).
Pourquoi avoir choisi de t’engager de la sorte ? Qu’est-ce que cela t’apporte ?
Je trouve du sens à ma vie en essayant d’y trouver un équilibre entre prendre (consommer, profiter) et donner (travailler, collaborer, aider, conseiller).
Dans les deux cas, le cadre éthique dans lequel je navigue est utilitariste : pour moi, ce qui est juste est ce qui maximise le bien-être global des humains (d’aujourd’hui et de demain). Ce cadre éthique évolue, le bien-être du reste du vivant compte également.
Avec ce cadre comme grille de lecture, les enjeux de pauvreté, d’inégalité, d’injustice et de déséquilibre des écosystèmes vivants s’imposent à moi comme primordiaux, prioritaires sur les autres, dans le but de maximiser le bien-être global.
M’impliquer dans la recherche de solutions à ces problèmes me fait me sentir utile, me rend fier et me stimule.
Ton parcours
Raconte-nous ton parcours en quelques phrases : comment en es-tu arrivé à faire ce que tu fais ? Quelle(s) formation(s) as-tu suivie(s) ? Quelles ont été les étapes de ton parcours ?
Le cadre éthique qui est le mien (décrit précédemment) a commencé à se clarifier lors de mes études supérieures, alors que j’étais en échange universitaire à Buenos Aires dans le cadre de mes études à l’EDHEC, en 2014.
Auparavant, j’avançais dans la vie avec les objectifs d’un bon élève compétiteur : respecter les règles strictement, faire mon possible pour gagner.
Cela s’appliquait dans les études, dans le sport, dans la vie en général. Cette logique m’a amené jusqu’à des études en mathématiques et économie/finance à Dauphine (2011-2013) puis en business à l’EDHEC, non par conviction mais par compétences scolaires.
Après mon voyage lointain à Buenos Aires, j’ai décidé d’orienter ma vie professionnelle vers quelque chose d’utile à la société. Je me suis d’abord orienté vers les enjeux de développement, de pauvreté. J’ai donc effectué des stages de césure en entrepreneuriat social (en France dans l’aide à domicile aux personnes âgées puis à Madagascar dans la nutrition infantile).
De retour en Business School, j’ai décidé de faire une spécialisation en finance (après avoir refusé de choisir cette spécialisation « par défaut » jusque-là) à la London School of Economics, option encore possible et prestigieuse.
J’ai ensuite tout naturellement orienté mes premières recherches professionnelles vers l’investissement « à impact » (utile + finance la plus proche de l’entrepreneuriat), encore naissant à l’époque (2017).
Une autre stratégie aurait pu consister à « faire mes armes » dans la finance classique puis bifurquer ensuite : j’ai choisi l’autre option. La finance « à impact », comme l’entrepreneuriat « à impact », sont très prisés à une époque où la quête de sens est devenue très forte.
Il m’a fallu deux stages de fin d’étude de 6 mois mal payés (1000€/mois) pour enfin décrocher un premier CDD à Londres dans un fonds d’investissement à impact qui cochait les cases les plus importantes (sérieux, impact, spécialisé sur un sujet qui m’intéressait de plus en plus : l’agriculture), mais restait à nouveau mal payé (30k GBP/an) et éloigné de mes proches (Var et Paris).
Après un peu plus d’un an de cette expérience professionnelle riche, j’ai décidé de démissionner pour me rapprocher de mes proches, une fois quelques pistes de recrutement en France identifiées. J’ai eu la chance de persévérer dans mes convictions et de trouver mon emploi actuel à l’été 2021.
Y a t’il selon toi des formations indispensables pour faire ton métier ?
Formation ou expérience en finance d’entreprise : indispensable. Des métiers qui manipulent les outils financiers sans être financiers au sens strict peuvent convenir (e.g. conseil en stratégie)
Toi
Quelles sont les valeurs les plus importantes pour toi ?
Honnêteté intellectuelle, altruisme, pardon, bienveillance, intégrité
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans ce métier ou, plus généralement, se reconvertir ?
Pour se lancer dans ce métier : se former / obtenir une expérience en lien avec l’investissement et l’entrepreneuriat (manipuler des business plans, avoir les bases de la stratégie d’entreprise, être à l’aise avec les états financiers, la finance d’entreprise et la comptabilité).
Justifier de profondeur/d’expérience dans la compréhension des sujets d’impact traités : être fresqueur, être bénévole, avoir travaillé dans l’entrepreneuriat social, avoir lu/vu de nombreux travaux sur ces sujets….
Ne pas être allergique aux logiques marchandes (prix, concurrence, profit), ce qui n’empêche pas une remise en question de leurs écueils / leurs excès.
Merci, Benjamin !
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