Ton métier
En quoi ton travail s’inscrit-il dans les luttes écologiques et sociales ? A quels enjeux et de quelle manière te permet-il de contribuer ?
L’éco-lieu des Ciboulettes, on l’a voulu comme un lieu d’expérimentation et de lien social pour réconcilier écologie et plaisir.
Parce que c’est super compliqué pour tous de se mettre en chemin et de changer nos habitudes, de perdre nos repères. C’est même quasiment impossible sans goûter, expérimenter et prendre du plaisir avec des pratiques plus résilientes + une communauté.
Il y a un podcast du Shift Project qui explique super bien cela du point de vue des neurosciences.
Grâce à nos ateliers pour enfants et adultes (yoga, cuisiné végé, ateliers philo, fresques du climat, diners collaboratifs, potager et permaculture…), on ambitionne pas de « changer le monde » mais de partager des pratiques écologiques dans lesquelles nous on se sent bien, qui nous semblent justes.
Et pour nous, l’écologie, ça ne se réduit pas à l’environnement. C’est prendre soin de soi, des autres et de la planète, car comme nous faisons tous partie d’un grand Tout, d’un écosystème, prendre soin d’une partie c’est prendre soin du reste.
Avec les entreprises, c’est un peu la même chose avec davantage de contenus intellectuels car c’est ce qu’on attend en entreprise.
On peut proposer des formats très courts, mais qui permettent en 1h de déculpabiliser, de comprendre quelques enjeux clés et de repartir avec 2/3 idées d’actions. Ou des formats longs pour vraiment aider managers et chefs de projet à agir durablement dans leur quotidien, notamment en introduisant des indicateurs de qualité ou performance durables.
Parmi ce qu’on propose, il y a la Fresque du Climat.
La Fresque est très pratique car très intellectuelle. Et c’est donc un atelier facile à proposer en entreprise par exemple où la place laissée aux émotions, aux activités manuelles ou sensorielles est plus réduite.
C’est en plus une vraie merveille de synthèse : un rapport du GIEC en 42 cartes !
Ce que j’aime, c’est que cet atelier est résolument tourné vers l’action. Comment une fois que je « sais », je me mets en action? Et cette partie est réalisée en groupe pour mobiliser toute l’intelligence collective.
Nous l’utilisons dans beaucoup des formations pros proposées à la journée par les Ciboulettes. Mais aussi dans des ateliers pour adultes, et nous allons bientôt en animer dans des centres de loisirs, avec la version enfant.
J’anime aussi des ateliers philos pour enfants au sein de l’éco-lieu.
Animer ces ateliers, c’est un pur engagement citoyen.
C’est faire prendre conscience à des enfants que croyance n’est pas science. Que les adultes n’ont pas toujours raison. Qu’un raisonnement simpliste est louche. Qu’interroger, c’est la clé de la liberté.
Des enfants ayant bénéficié de ces ateliers auront plus de facilité plus tard à ne pas être victimes des « fake news », à savoir prendre la parole, interroger un post sur un réseau social ou encore écouter.
Et donc sans doute, à prendre soin d’eux, des autres et de la planète.
Quelles qualités et compétences sont indispensables dans ton travail au quotidien, tant techniques qu’humaines (relationnel, créativité, pédagogie…) ?
S’occuper d’un tiers-lieu, c’est être touche à tout.
Donc ma première qualité est d’être très polyvalente!
Si je dois détailler davantage, voilà ce que j’utilise le plus dans ma boite à outils :
- Mon goût pour l’accueil : j’adore être à l’entrée des Ciboulettes, papoter, prendre des nouvelles, écouter, rencontrer de nouvelles personnes…
- Mes capacités d’animation : je mets la même énergie et la même exigence lorsque j’anime un atelier de formation pro, une Fresque du climat, un atelier de yoga ou de philo. Je crois que c’est grâce à ma grande concentration dans le moment présent. Si je suis là, je suis 200% là.
- Mon efficacité : avoir été consultante et manager avec des postes à responsabilité m’ont appris à être super efficace et rigoureuse. C’est le gros avantage par rapport à d’autres idéalistes (dont je fais partie). Non seulement je passe vite à l’action mais c’est efficace et si ça ne fonctionne pas, j’adapte.
Aujourd’hui, qu’est ce qui te plait le plus dans ton travail et ces différentes activités ?
Etre aux Ciboulettes, même quand c’est pour animer un atelier en visio, est toujours un bonheur. Parce que j’aime le contact humain, les expérimentations et les rencontres. Et c’est cela le quotidien de notre éco-lieu.
A contrario, quels aspects apprécies-tu moins ou sont plus difficiles ?
L’administratif est très complexe pour moi. Je suis capable de ne pas ouvrir mon courrier pendant 1 mois…
Heureusement j’ai de l’aide sur ces parties là. C’est aussi la magie de ce lieu : toutes les personnes qui ont envie d’aider à le faire vivre.
Je suis aussi très sensible au cynisme et à la mauvaise foi. Donc lorsque je rencontre des personnes qui me disent « bonjour les bisounours qui mangent des graines » ou « moi je m’en fous, je suis né au bon endroit, je ne me sens pas concerné par l’écologie »… je suis envahie de tristesse et ça me met par terre pendant plusieurs heures.
Qu’est-ce qui t’a poussé.e à faire ces choix professionnels ?
L’envie très grande de porter haut et fort ma vision intégrale de l’écologie : prendre soin de soi, des autres et de la planète, c’est la même chose vu que nous faisons tous partie d’un grand ecosystème.
C’est même ce qui a été le déclencheur quand j’étais manager. J’observais des façons d’agir par toujours respectueuses envers les équipes. Et un gros bonhomme rouge de Keith Haring est apparu dans ma tête. Il symbolisait l’humanité dans son ensemble. Et je me disais : mais rabaisser ou utiliser ou dominer une partie de soi, ça n’a pas de sens! Imaginez votre petit doigt qui ronge votre rate… ?!?
C’est ensuite seulement et grâce à ma soeur que la partie environnementale de l’écologie m’est apparue, et que j’ai compris que c’était la même chose.
Quand on a fait cette découverte, alors on a qu’une envie : se former, aller plus loin, en parler, agir!
Ton engagement bénévole
Décris-nous en quelques mots en quoi consiste ton engagement associatif/bénévole
Je suis responsable bénévole du tiers-lieu pour l’association des Ciboulettes qui propose tous nos ateliers aux enfants et adultes du territoire de Chelles et de son agglo.
C’est à dire que je gère tout le quotidien, l’encadrement de notre service civique, la programmation…etc
Ton parcours
Raconte-nous un peu plus en détails ton parcours…
Quand j’étais étudiante à l’ESCP, je n’avais aucune mais alors aucune conscience environnementale.
J’avais besoin de me prouver des choses, j’aimais les paillettes alors je suis allée faire du conseil en stratégie et je me sentais importante avec mon Blackberry, mon Amex et mes Burger King dans les aéroports.
Le premier déclic ça a été un burn-out au bout de 5 ans.
J’avais perdu tout repère, et je me disais « c’est vraiment ça la vie? ».
Je regardais la vraie vie derrière les vitres de mon taxi en allant chez des clients, je tremblais lorsque mon manager ne disait même pas bonjour au chauffeur.
Je voulais plus de sens, et j’en ai trouvé en allant travailler au Bon Coin pendant 3 ans. J’ai eu la chance d’y exercer de multiples rôles (innovation, stratégie, marketing client, data…) et surtout d’y découvrir le métier de manager. « Comment tu te mets au service de ton équipe » et pas « comment tu domines ton équipe ».
Ma dernière année en tant que salariée a été dans une start-up « licorne » où tout me semblait fou, violent et déshumanisé. Ca a été la goutte d’eau.
Et avec ma soeur, on s’est donné le courage de quitter nos boulots pour s’engager.
Avant d’ouvrir les Ciboulettes, ça a été 2 années de formations, de rencontres, d’expérimentations :
- J’ai découvert l’écologie intégrale : prendre soin de soi, des autres et de la planète est la même chose
- J’ai changé mon mode de vie : j’ai déménagé du 18e à Chelles près des Ciboulettes, je suis devenue végétarienne, j’ai arrêté de prendre l’avion, d’acheter des vêtements neufs…
- Je me suis formée : professeure de yoga restauratif, pré & post-natal, nidra; animatrice d’ateliers philo, BAFA et BAFD, animatrice fresque du climat
- J’ai testé : cours de yoga pour mes amis, stages dans des cantines exemplaires, ateliers cuisine et philo chez Mom’artre
Y a t’il selon toi des formations indispensables pour faire ton métier ?
Il n’existe pas réellement de formations pour les porteurs de projet d’éco-lieu mais plein de structures qui peuvent aider, notamment pour le Business Plan et pour trouver des fonds.
Dans notre cas, ça a été le Réseau Initiative. On a pu aussi beaucoup s’appuyer sur la SNCF qui est notre partenaire numéro 1 étant donné que notre Tiers-Lieu est dans une gare suite à l’appel à projets #Garesdedemain
Je recommande par ailleurs la formation SEVE (Savoir Etre et Vivre Ensemble) pour devenir animateur d’ateliers philo.
Toi
Quelles sont les valeurs les plus importantes pour toi ?
Sincérité, Détermination, Enthousiasme, Soin
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans ce métier ou, plus généralement, se reconvertir ?
Je le dis à chaque fois que je le peux : ne pas tomber amoureuse de son projet mais de sa mission.
Aux Ciboulettes, notre mission c’est de créer des occasions d’expérimenter des activités écologiques parce qu’on a envie d’aider les gens à se mettre en chemin et qu’on pense que c’est en expérimentant que cela peut se réaliser.
Mais avoir un lieu, un projet de territoire, c’est une façon de réaliser cette mission. On pourrait très bien ne pas avoir de lieu et un camion nomade où on sillonne la France en famille avec la même mission.
Mon autre conseil, c’est : allez ! fais-le.
L’action est libératrice d’énergie. C’est grâce à elle qu’on se met en chemin, qu’on avance, qu’on fait des rencontres et que le projet initial se modèle.
Même quelqu’un qui serait encore salarié peut déjà se mettre en chemin en agissant au sein d’une asso de temps en temps par exemple.
Merci, Marion !
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